Khey 2024 Pangée, Montréal

Khey, 2024. Inkjet print, 12 x 18 inches

Nounou sous l'eau, 2024. Inkjet print, 36 x 12 inches.

Je reviendrai quelquefois regarder la porte, sans toquer, sans sonner. Derrière cette porte verrouillée, il y a une histoire : une fraternité qui transcende longitude et latitude. Si on touche aux murs, on peut sentir le rythme de la basse qui s’y répercute. Ounga, ounga, monte les marches comme un tigre. Face à la porte, il faut approcher son visage de l'œilleton et s’y coller. À travers le flou, il sera possible de déceler les contours d’un cockpit où le silence dissémine les cris de l’absence, où un père tente d’étouffer sa peine derrière un humour qui s’éteint au contact de l’air lourd, où voyagent deux adelphes qui se retrouvent enfin, après une séparation de près d’une décennie, à plusieurs milliers de kilomètres de distance, et qui font face au nouveau jour qui se lève. Un jour où le mot « maison » ne réfère ni à Casablanca, ni à Montréal, mais désormais plutôt à un visage, le seul qui comprenne vraiment. Ce visage qui regarde droit devant et qui appréhende un quotidien qui ne se ressemblera plus. Le pilote ne dit rien. Le père tente de composer maladroitement avec la gravité du moment. Il ne reste plus qu’à regarder l’horizon et cartographier l’espace d’un réel à jamais liminaire.

Il faut retourner à la vibration, à la basse, faire un détour par la musique pour entrer dans la sémantique du silence et de sa résonance. En 2019, les frères Andrieu, mieux connus sous le nom de PNL, sortent leur troisième album intitulé Deux frères. Il s’agit d’une ode mélancolique à leur fraternité, la seule lumière qui arrive à percer les nuages lorsque le jour se confond avec la noirceur. Armés de leur arrogance et de leur machisme exacerbé, les deux frères plongent et explorent les recoins les plus vulnérables de leur biographie et de leur identité mixte, corse et algérienne. La musique qui joue de l’autre côté du mur n’est pas un hasard; elle est tissée à même cette histoire.

 

Que faire de toutes les distances qui nous composent, celle qui se creuse entre nos différentes communautés, entre l’origine et le présent, entre le frère et la sœur, entre l’identité féminine et la culture masculine dominante ? Où faut-il regarder ou prêter l’oreille pour prendre la pleine mesure de ce que nous sommes ?

L’avion s’apprête à poser son histoire sur un sol perpétuellement mouvant. Le visage du frère braqué sur l’avenir comme unique repère dans l’incertitude. On perd en altitude. Les images se succèdent, se répercutent contre le revêtement d’aluminium de la carlingue et se mélangent. La montée des escaliers menant au cockpit. Un enfant sous l’eau. Un adulte enlaçant son chien. Une chanson qui nous parle plus qu’elle ne s’adresse à nous. Une histoire, toujours, une histoire. Le silence. L’amour qui persiste.

Texte par Jean-Guy Forget

Tout ce que je prends, j'te le donne, un peu comme ma vie Y'a que toi qui sais ce que je vis Que moi qui sais ce que tu vis

PNL

Coeurs (AT209), 2024. Inkjet print on leather, airplane belt, cotton poplin, acrylic, cardboard, plywood, tissue paper, metal nails, wheels, 42 x 32 inches

64, 2024. Papier mâché, colored sand, sand from Aïn Diab beach, acrylic, graphite, coffee, tinsel, electrical tape, rubber cord, tissue paper on canvas, both 16 x 24 inches

Deux fauves (Nounou et Jumbie), 2024. Inkjet print, 32 x 40 inches

La soeur de Gribouille, 2024. Inkjet print, 12 x 9 inches framed

64 rue Tarablous, 2012. Inkjet print, 12 x 9 inches framed